Les conventions de forfait, qui permettent une modulation du temps de travail du salarié sont très prisées dans les entreprises. Toutefois, leur régime, complexe et pluriel est souvent la cause de nombreux litiges et de longues procédures prud’homales. Voici un zoom sur la convention de forfait jour pour vous permettre de comprendre ce qu’elle recouvre et quelles sont ses conséquences, tant pratiques que financières.

  • Tout d’abord une convention de forfait en jour c’est quoi ?

La convention de forfait jour, obligatoirement annuelle, a pour objet de rémunérer le salarié en fonction du nombre de jours travaillés sur l’année peu important le nombre d’heures de travail accompli.

Le temps de travail du salarié qui bénéficie d’une convention de forfait jours est ainsi comptabilisé en nombre de jours travaillés et non en nombre d’heures réalisées.

  • Dans quel cas peut-on conclure une convention de forfait jour ?

La convention de forfait jour ne peut être conclue en toute hypothèse. Elle est, au contraire, subordonnée à deux conditions cumulatives :

  • Le salarié doit manifester son accord
  • La convention collective applicable à l’entreprise doit prévoir la possibilité de conclure une telle convention et en fixe les modalités.

Par ailleurs, seuls certains salariés peuvent faire l’objet d’une convention de forfait jour. Il s’agit :

  • Des cadres qui sont autonomes dans l’organisation de leur temps de travail et dont l’activité ne nécessite pas, par sa nature, qu’ils se conforment à l’horaire collectif de travail applicable au sein du service, atelier ou équipe dont ils relèvent
  • Des salariés dont la durée du temps de travail ne peut être déterminée par avance et qui bénéficient d’une grande autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour exercer les responsabilités leur incombant.
  • Quelles sont les conséquences de la convention de forfait jour ?
  • Horaires de travail

Le salarié qui bénéficie d’une convention de forfait jour ne peut pas se voir imposer des horaires de travail. Son employeur ne peut donc pas lui imposer d’être présent à des heures précises au sein de l’entreprise, sauf à prendre le risque que sa convention de forfait soit remise en cause.Dans une telle hypothèse, le salarié sera, de manière rétroactive, considère avoir été soumis à la durée légale du temps de travail, soit 35 heures et toutes les heures effectuées au-delà ouvriront droit à un paiement majoré au titre de la règlementation relative aux heures supplémentaires (1).

  • Durée maximale de travail

Comme on l’a vu, le temps de travail du salarié soumis à une convention de forfait jour est comptabilisé en journée de travail accompli et non en heures. Le salarié n’est donc pas soumis à la durée légale du temps de travail (35 heures) ni aux durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail effectif.

En revanche, le salarié qui dispose d’une convention de forfait jours ne pourra travailler plus de 218 jours par an.

Il dispose donc de jours de repos supplémentaires, appelé les RTT afin de lui permettre de respecter la durée de travail de 218 jours par an imposé par le code du travail.

Afin de connaître le nombre de jours de RTT dont bénéficie le salarié sur une année, il convient tout d’abord de déterminer le nombre de jours sur l’année concernée (365 ou 366), de déduire de ce chiffre le nombre de jours de travail prévu par la convention de forfait (qui, en principe, ne peut pas être supérieur à 218), le nombre de repos hebdomadaires (samedi et dimanche de l’année), le nombre de congés payés ouvrés et de jours fériés tombant sur des jours ouvrés.

Ainsi, en 2019 : 365 (jours de l’année) – 218 (jours de travail) – 104 (samedi et dimanche) – 25 (congés) – 10 (jours fériés hors samedi et dimanche) = 8 jours de RTT.

  • Temps de repos

Comme cela vient d’être exposé, le salarié soumis à une convention de forfait jours ne peut, en principe, travailler plus de 218 jours par an et bénéficie donc de jours de repos supplémentaires par rapport à un salarié habituel (les RTT).

Il peut toutefois troquer son temps de repos contre de l’argent. Il peut en effet faire le choix, avec l’accord de son employeur de renoncer à une partie de ses jours de repos et bénéficier, en contrepartie, d’une rémunération majorée pour chacun des jours de travail effectuer au-delà de 218 jours.

Le salarié peut donc faire le choix de travailler plus de 218 jours par an. Il ne pourra toutefois pas, dans cette hypothèse, effectuer plus de 235 journées de travail.

Par ailleurs, ce choix doit être matérialisé par un écrit établi entre le salarié et l’employeur (contrat de travail ou avenant à ce contrat).

En contrepartie de l’augmentation de ces jours de travail, le salarié bénéficiera, pour chaque journée de travail excédant 218 jours par an (dans la limite de 235) d’une rémunération majorée.

Le taux de majoration, généralement déterminé par convention ou accord collectif ne pourra être fixé en dessous de 10%. À défaut de prévision conventionnelle ou contractuelle, la rémunération du salarié sera majorée de 10%.

Outre ces jours de repos hebdomadaire, que le salarié peut, pour partie, troquer contre du temps de travail assorti d’une rémunération majorée, le salarié bénéficie des temps de repos légaux.

Ainsi, à l’instar des autres salariés, ils bénéficient, à l’instar des autres salariés, d’un temps de repos quotidien minimal de 11 heures consécutives et d’un repos hebdomadaire au moins égal à 24 heures consécutives, généralement le dimanche, bien que des dérogations au repos dominical soient autorisées.

  • Rémunération

La rémunération allouée au salarié qui bénéficie d’une convention de forfait jours sera fonction du nombre de jours travaillés ainsi que de la charge de travail exigée.

Attention : si la rémunération est bien inférieure au temps et à la charge de travail imposée au salarié, celui-ci pourra saisir le conseil de prud’hommes d’une demande indemnitaire qui sera calculée au regard du préjudice subi.

  • Le contrôle de la charge de travail des salariés soumis à une convention de forfait jours

La convention de forfait jours, qui permet une grande liberté dans l’organisation de l’emploi du temps du salarié peut avoir des effets pervers dès lors que ses heures de travail ne sont pas comptées. L’employeur peut donc être tenté de profiter de la force de travail de ce salarié, qui n’est pas soumis à la règlementation des heures supplémentaires, pour lui imposer une charge de travail importante.

Afin de prévenir de telles dérives, des règles strictes de contrôle de la charge de travail du salarié sont exigées.

Le législateur impose ainsi aux conventions et accords collectifs prévoyant la possibilité pour l’employeur de conclure un forfait jour avec les salariés, de prévoir les modalités de contrôle de la charge de travail du salarié, de la répartition de son temps de travail et du respect de ses repos hebdomadaires et journaliers.

À défaut de telles modalités devront être précisément fixé par l’employeur.

L’employeur a notamment l’obligation de mettre en place un document de contrôle portant indication du nombre de journées de travail accompli par le salarié et leur date, de vérifier le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire et de convoquer le salarié afin d’échanger sur la répartition de son temps de travail et la compatibilité de celle-ci avec sa vie personnelle.

À défaut de mise en place de ces mesures, ou en présence de mesure jugée insuffisante à assurer un contrôle efficace et sérieux de la charge de travail du salarié et de sa répartition dans le temps, le juge pourra prononcer la nullité de la convention de forfait et le salarié pourra, dans une telle hypothèse, obtenir le paiement de ses heures supplémentaires, c’est-à-dire toutes les heures accomplies au-delà de 35 heures par semaine.

À titre d’exemple, la convention de forfait-jour imposant au salarié, chaque semaine, d’indiquer le nombre de jours travaillés ainsi que leur date dans un document dit de « contrôle » et prévoyant que ce document servira de base à l’entretien annuel ayant cours entre le salarié et son employeur a été censurée par la Cour de cassation aux motifs qu’elle n’assurait pas de manière suffisante un contrôle de la charge de travail du salarié et de sa répartition dans le temps(Soc., 9 novembre 2016, n° 15-15.064).

Vous l’aurez compris, la convention de forfait jours doit être assortie de mesures permettant de s’assurer que la charge de travail du salarié n’est pas excessive, que ses repos hebdomadaires et journaliers sont assurés.

Références

1.Soc., 15 décembre 2016, n° 15-17.568