Le régime juridique applicable est proche de celui qui régit la modification des horaires de travail.

Le lieu de travail n’est pas, en soi, un élément du contrat de travail. Il n’a, en principe, qu’une valeur informative. Toutefois, si le contrat mentionne clairement que le travail s’exécutera exclusivement dans un lieu déterminé, toute modification de ce lieu constitue une modification du contrat de travail et nécessite l’accord du salarié.

À défaut d’une telle précision, le lieu de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur qui peut donc le modifier unilatéralement.

Mais attention, ce pouvoir n’est pas sans limites

La jurisprudence considère qu’est contractuel le secteur géographique.

Autrement dit, l’employeur peut ordonner la mutation du salarié dans ce secteur géographique sans que celui-ci puisse s’y oppose (Soc., 20 février 2019, n°17-24.094).

En revanche, l’employeur ne peut ordonner de mutation dans un autre secteur géographique. Une telle mutation supposerait une modification du contrat et donc accord du salarié.

Si les règles semblent claires, les solutions le sont moins, la notion de secteur géographique restant relativement incertaine.

À l’étude de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, on constate que le secteur géographique ne recoupe pas nécessairement les notions de département/région.

Pour déterminer si le nouveau lieu de travail se situe ou non dans le même secteur géographique, les juges du fond tiennent compte d’une pluralité de critères comme :

  • La distance kilométrique entre deux lieux de travail (Soc., 7 juillet 2004, n° 02-43.915);
  • Le critère lié à l’existence de moyens de transport et à la facilité des déplacements sert également aux juges du fond pour arrêter leur décision : s’il n’existe pas de facilités de transport et de liaisons directes entre les deux sites, les juges ont tendance à reconnaître qu’il s’agit d’une modification du contrat et ceci même si la distance entre les deux sites n’est que de 25 km.

Dans une affaire, les juges ont tenu compte du nombre de changements de ligne et du temps de transport de 1h20 entre les deux sites (Soc., 15 juin 2004, n° 01-44.707).

  • Les magistrats tiennent compte également de la topographie du terrain: il y a modification du contrat lorsque le nouveau site, distant du premier de 43 km, est uniquement accessible par des routes départementales et se situe largement dans l’intérieur des terres.

Également, ne sont pas situées dans le même secteur géographique deux communes, distantes de 51 km, reliées par une route assez sinueuse et fortement exposées en hiver à des conditions de circulation difficiles en raison des intempéries.

Exemple :

  • Pau et Tarbes, éloignés de 40 km et situés dans deux départements distincts ont été considérés par la Cour de cassation comme appartenant au même secteur géographique (Soc., 12 déc 2012, n° 11-23762) ;
  • De même, le déplacement de l’entreprise à l’intérieur d’un bassin d’emploi (de Malakoff à Courbevoie, ou de Villeneuve-la-Garenne à Saint-Ouen, en région parisienne) constitue un simple aménagement des conditions de travail qui s’impose au salarié (20 octobre 1998 et 8 février 2005) ;
  • Ce qui n’est pas le cas d’un transfert de Versailles à Chartes (Soc., 15 juin 2004, n°11-23.762) ;
  • De même, le transfert de lieu de travail de Blanc-Mesnil (93) à Gargenville (78) a été jugé comme une modification du contrat de travail (pas même secteur géographique) (Soc 15 déc. 2010 n° 09-42221) ;
  • Il a encore été jugé qu’une mutation entre Chartres et la Plaine-Saint-Denis excède les limites d’un secteur géographique (Soc 6 nov. 2013 n° 12-18130) ;
  • En revanche, tel ne semble pas être le cas entre Levallois-Perret et Nogent-sur-Marne, au motif que « les deux sites, situés tous les deux en région parisienne, n’entraînant aucune gêne particulière pour la salariée, notamment pour ce qui concerne la durée des trajets »(Cass. soc. 21 mai 2008 n° 07-41640).

Ces règles ne valent qu’en présence d’un changement définitif ou de longue durée du lieu de travail. Le régime juridique est différent lorsqu’il s’agit d’un changement temporaire du lieu de travail.

L’affectation occasionnelle d’un salarié en dehors du secteur géographique dans lequel il travaille habituellement, ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique ne constitue pas une modification du contrat de travail dès lors que trois conditions cumulatives sont remplies :

  • l’affectation doit être motivée par l’intérêt de l’entreprise ;
  • elle doit être justifiée par des circonstances exceptionnelles (fermeture d’un établissement pour travaux …) ;
  • le salarié doit avoir été informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l’affectation et de sa durée prévisible (Soc., 3 février 2010, n° 08-41.412; Soc., 22 mars 2018, n°16-19.156).

Cette notion de délai raisonnable s’apprécie notamment en fonction de l’importance du changement et de sa durée.

Plus le changement sera important (ex : une affectation occasionnelle très éloignée du lieu habituel de travail), plus l’affectation temporaire sera longue et plus le délai de prévenance à respecter devra être conséquent.

Si l’une de ces trois conditions fait défaut, il s’agit d’une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié.

À l’opposé, si ces trois conditions sont remplies, le salarié ne peut, en principe, refuser l’affectation occasionnelle sous peine de licenciement.

  • En présence d’une clause de mobilité

Le contrat de travail peut prévoir une clause de mobilité. L’insertion d’une clause de mobilité dans le contrat de travail permet à l’employeur d’imposer au salarié une modification de son lieu de travail et ceci même au-delà du secteur géographique dès lors que la nouvelle affectation ne dépasse pas le cadre de la clause de mobilité.

Pour être valable, la clause de mobilité doit définir précisément sa zone géographique d’application et ne doit pas laisser à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée (Soc., 14 oct 2008, n° 06-46.400; Soc., 2 octobre 2019, n°18-20.353).

Ainsi, il a été jugé « qu’une clause indéterminée ne permettait pas à l’employeur de muter le salarié sans son accord » (Soc., 17 juillet 2007, n° 06-41.630; Soc., 2 octobre 2019, n°18-20.353).

La mention du « territoire français » suffit à rendre précise la zone géographique d’application de la clause (Soc. 9 juillet 2014, n° 13-11.906).