Comme on l’a vu dans un article précédent, le contrat de travail n’est pas figé dans le temps et est, au contraire, exposé à de nombreuses modifications tenant par exemple à l’évolution de l’entreprise, son organisation, les compétences du salarié, etc.

Comme on l’a également expliqué, l’employeur peut modifier unilatéralement les conditions de travail du salarié, mais ne peut en aucun cas, sans son aval, modifier son contrat de travail.

Que se passe-t-il si le salarié accepte les modifications proposées par son employeur ? Et s’il les refuse ? Peut-il être licencié ? Peut-il demander des dommages et intérêts ?

  • Acceptation du salarié

Dans tous les cas, qu’il s’agisse des horaires, du lieu de travail, des attributions, voire de la rémunération, il est loisible au salarié d’accepter la modification du contrat proposé par l’employeur.

Pour ce faire, l’employeur dans son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail doit laisser au salarié un délai de réflexion qui lui permette d’évaluer la portée de la modification proposée et de décider en connaissance de cause (Soc 28 mars 2001).

De manière générale, la révision suppose :

  • Que le salarié ait été informé et conseillé par l’employeur sur la modification
  • Qu’un délai de réflexion raisonnable soit laissé au salarié pour évaluer la portée de la modification proposée et décider en connaissance de cause
  • Qu’un avenant soit signé dans le mois qui suit l’acceptation.

Si le salarié accepte, expressément la modification proposée par l’employeur : aucune difficulté, le contrat de travail se poursuis selon les nouvelles conditions convenues entre les parties.

Exigence d’une acceptation expresse depuis l’arrêt dit Raquin du 8 octobre 1987.

Avant cet arrêt, lorsqu’un important changement dans les rapports de travail avait lieu, le fait que le salarié exécute son travail aux nouvelles conditions sans protester permettait au juge d’en déduire que le salarié avait consenti au changement.

L’exécution du contrat aux nouvelles conditions valait acceptation tacite de ces nouvelles conditions.

L’arrêt Raquin refuse cette acceptation tacite. Il affirme que l’acceptation des salariés ne peut pas découler de la poursuite du travail. Le salarié accepte la modification expressément ou il ne l’accepte pas.

L’arrêt Raquin en tire les conséquences.

En l’espèce, l’employeur avait modifié le mode de rémunération, ce qui s’était traduit par une perte de salaire de M. Raquin.

Celui-ci n’en avait pas moins continué à travailler aux nouvelles conditions, et ce, pendant plus de 10 ans.

Cette poursuite du travail ne vaut pas, pour la Cour de cassation, acceptation de la modification du contrat.

Cette modification n’a donc pas eu lieu et le seul contrat qui demeure est le contrat conclu aux conditions antérieures.

Par conséquent, M. Raquin avait droit à des rappels de salaire.

Avec l’arrêt Raquin, le salarié peut désormais continuer de courber prudemment l’échine pour conserver son emploi.

Autrement dit, par l’arrêt Raquin : qui ne dit mot ne consent plus.

Cette solution est désormais constante.

Récemment, la Cour de cassation a par exemple jugé que « que l’acceptation par un salarié  d’une modification du contrat de travail ou d’un changement des conditions de travail ne peut résulter ni de l’absence de protestation de celui-ci ni de la poursuite par l’intéressé de son travail » (Soc., 12 septembre 2018, n° 16-27.549).

  • Refus du salarié

Le changement des conditions de travail peut être imposé par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Le refus du salarié n’entraîne pas, à lui seul, la rupture du contrat, mais constitue une faute professionnelle que l’employeur peut sanctionner, au besoin par un licenciement. L’employeur peut éventuellement prononcer un licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité.

La modification du contrat de travail ne peut être imposée par l’employeur, mais seulement proposée.

La Cour de cassation affirme ainsi que l’employeur ne peut pas, sans l’accord du salarié, modifier le contrat de travail et qu’il lui incombe soit de maintenir les conditions contractuellement convenues soit de tirer les conséquences du refus opposé par l’intéressé.

Dans ce cas, l’employeur doit, ou bien renoncer à son projet, ou bien rompre le contrat s’il peut le faire régulièrement.

Le contrat de travail peut également être rompu par le salarié si l’employeur le contraint à accepter la modification envisagée.

  • Rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur

Lorsque l’employeur n’entend pas poursuivre l’exécution du contrat de travail inchangé, il ne dispose que d’une seule issue : rompre le contrat de travail.

Cette possibilité de rompre, aussi ouverte au salarié si l’employeur tente d’imposer sans consentement, une modification de son contrat de travail.

Rupture à l’initiative de l’employeur : le salarié qui refuse la proposition de modification exerce sa liberté contractuelle.

Son refus ne saurait justifier ni rupture anticipée du CDD ni licenciement.

La Cour de cassation rappelle que « le seul refus d’accepter une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement » (Soc., 28 janvier 2005, n°03-40.639; Soc., 11 juillet 2018, n°17-12.747).

Il faut donc comprendre que le licenciement est consécutif au refus, mais ne doit pas avoir ce refus pour motif.

Un tel motif serait attentatoire à une liberté fondamentale, la liberté contractuelle et le licenciement serait exposé à a nullité.

De manière très discutable toutefois, la Cour de cassation a créé de toutes pièces une exception à ce principe : lorsque la modification du contrat est consécutive à un transfert d’entreprise au sens de l’article L. 1224-1, l’exercice par le salarié de son droit au refus de la modification de son contrat est une cause réelle et sérieuse de licenciement (1er juin 2016, n° 14-21.143).En dehors de ce cas très spécifique, la cause du licenciement consécutif au refus du salarié d’une modification de son contrat est à rechercher dans la justification de la proposition de modification.

Si le salarié refuse une mutation par exemple, il pourrait être licencié pour une cause réelle et sérieuse si la mutation proposée par l’employeur était justifiée par des nécessités économiques réelles et sérieuses.

En d’autres termes, pour savoir si le licenciement consécutif à un refus est justifié, le juge devra rechercher si le motif de la modification constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Autrement dit, le licenciement décidé par l’employeur emprunte son motif à la modification légitimement refusée (Soc., 29 mai 2019, n°17-17.929).

La qualification du licenciement qui gouvernera la procédure applicable dépend donc de la nature du motif de la modification :

  • Motif personnel /disciplinaire si le licenciement est consécutif au refus du salarié de subir une mutation ou rétrogradation motivée par une faute,
  • Motif économique s’il est non inhérent à la personne du salarié.

En savoir plus sur la modification du contrat de travail à raison d’un motif économique : ici.

  • Rupture à l’initiative du salarié :

Tant que l’employeur ne fait que proposer au salarié une modification du contrat de travail, il a la possibilité de renoncer à son projet. Les salariés qui refuseraient la proposition de l’employeur et se considèreraient comme licenciés en raison de la proposition qui leur a été adressée seraient déboutés de leur demande d’indemnité de licenciement.

Par ailleurs toute demande de dommages et intérêts formée au seul regard de la proposition de l’employeur serait vouée à l’échec (cela peut paraître idiot à préciser, mais cela arrive souvent).

Les juges doivent donc analyser avec attention la situation de fait pour déterminer si l’employeur ou éventuellement le salarié a seulement présenté un projet de modification du contrat ou s’il a tenté d’imposer une modification et a de ce fait, outrepassé ses droits.

Lorsque l’employeur a imposé unilatéralement une modification au contrat de travail, son comportement s’interprète comme une violation du contrat de travail. Le salarié peut alors plutôt que de continuer à travailler en faisant connaitre son refus du changement, imposé, prendre l’initiative de la rupture.

Soit par une prise d’acte, soit par une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail (Soc., 7 mars 2018, n°15-27.458).